vendredi 6 août 2010

Tour de France 2010 : le bilan

Plusieurs types de bilan peuvent être retirés de ce Tour 2010. Un bilan comptable tout d’abord. Ainsi, ASO, la société qui organise l’évènement, aurait gagné plus de 30 millions d’euros. Le Tour est extrêmement profitable… et encore plus quand aucune affaire de dopage ne vient jouer les trouble-fêtes. Et c’est là finalement le principal bilan de ce Tour : en 2010, aucune affaire de dopage n’est venue entacher l’épreuve. Cela faisait longtemps et on devrait s’en féliciter : ça y est, les coureurs ont enfin compris que tricher ne payait pas!


A l’eau claire?

Pourtant, il faudrait être bien naïf pour croire que le dopage a disparu du peloton. Et que Schleck et Contador roulent à « l’eau claire ». Tout d’abord, rappelons que tout a été fait pour que les contrôles anti-dopage soient négatifs. Ainsi, c’est l’UCI qui a effectué les contrôles et il est de notoriété publique que les agents de l’UCI (Union cycliste internationale) sont beaucoup moins pointilleux que ceux de l’AFLD (Agence française de lutte contre le dopage). On a ainsi pu assister en toute quiétude au duel Contador/Schleck. Ah! qu’ils étaient beau à s’envoler ainsi dans la montagne, donnant l’impression que la route ne montait pas tandis que leurs concurrents trainaient des caravanes. Elle n’était pas belle cette image d’Andy parlant tranquillement avec Alberto dans le Tourmalet, dans des portions à plus de 9%, leurs plus proches concurrents étant à deux minutes, et même pas essoufflés à l’arrivée?


Duels

D’ailleurs ce duel m’a fait penser à d’autres : celui par exemple entre Contador et « Chicken », surnom donné à Rasmussen, qui avait vu ce dernier devoir abandonner tant les soupçons de dopage pesant sur sa personne étaient forts. En effet, Chicken avait menti sur le lieu où il se trouvait avant le Tour afin d’échapper aux contrôles et pouvoir effectuer sa « préparation » tranquillement. Cette infraction aurait dû l’empêcher de prendre part à la course et ce n’est finalement que parce qu’il paraissait trop facile en montagne que l’on s’est montré plus pointilleux!
Autre grand duel du même genre : celui entre Ulrich et Virenque, dans le Tour 1997… l’année précédant l’affaire Festina. Ça promet avec Contador et Schleck! Rappelons que le bon Alberto était cité dans l’affaire Puerto. Et que Schleck est à bonne école avec Riis comme directeur sportif qui a avoué s’être dopé alors que je me rappelle encore de cette scène surréaliste dans le Vélo-club de Gérard Holtz où tous les coureurs de Deutsche Telekom avaient juré qu’ils ne se dopaient pas!


Corruption

Mais revenons au duel Ulrich – Virenque. On sait maintenant que ces coureurs carburaient à l’EPO, aux hormones de croissance et autres joyeusetés. Dans la dernière étape de haute montagne de ce tour 1997, les deux se livrent à un véritable mano à mano. Virenque attaque, Ulrich répond. Ulrich attaque, Virenque répond. Finalement, tout comme Contador et Schleck, les deux hommes « comprennent » qu’ils ont intérêt à collaborer. On ne les voit pas se parler mais Virenque fait toute l’ascension en tête. Au sommet, Ulrich ne sprinte pas, tout comme Contador dans le Tourmalet, et laisse la victoire à son dauphin. Dans les 2 cas, les 2 maillots jaunes diront : « C’est normal compte tenu du travail effectué par Virenque/Schleck ». Sauf que… Dans le cas du duel Virenque/Ulrich, on sait désormais que Virenque avait « acheté » la victoire. La preuve? Durant la montée, on voit à un moment Ulrich qui fait devant la caméra un geste très caractéristique avec la main de celui qui compte des billets de banque. Quelle erreur de débutant! Lors du grand déballage qui suivra l’affaire Festina, on apprendra que Virenque avait offert 100 000F (environ 15 000 euros) à Ulrich pour qu’il le laisse gagner! Quelques jours plus tard, alors qu’Ulrich finissait mal le tour, Virenque demande à Pantani de rouler pour creuser l’écart sur le groupe Ulrich, distancé à près de 3 minutes! Mais Pantani n’en fera rien. Plus tard, l’ancien directeur sportif de Virenque aura cette remarque : « on ne propose pas 5000F à Pantani pour rouler! » Effectivement… Voilà qui était bien radin alors que le Tour se jouait là et que le même Virenque mettait 100 000F dans la balance quelques jours plus tôt pour une simple victoire d’étape!


Le duel Schleck/Contador

Tout cela ressemble encore étrangement à ce que nous venons de vivre avec le duel Contador/Schleck : ce dernier a fait toute l’ascension pour finalement l’emporter, Contador, royal, lui laissant la victoire! Espérons que l’avenir ne nous donnera pas raison mais les accolades et les sourires de Schleck à l’arrivée rendent la chose encore plus suspecte... Au final, ce dernier perd le Tour pour 39 secondes. Ce qui pourrait laisser croire que le Tour a été passionnant. Hélas non. Il y a eu du suspense mais les deux hommes se sont tellement marqués qu’il n’y a finalement pas eu de course. Rien à voir avec le duel Fignon/Lemond de 1989, alors qu’ils s’échangeaient le maillot jaune quasiment tous les jours. Certains noteront que Contador a sans doute gagné le Tour sur le saut de chaîne de Schleck, alors que celui-ci avait enfin réussi à semer le bon Alberto! Ce dernier ne l’a pas attendu et au contraire a semblé accélérer, ce qui allait lui valoir d’ailleurs quelques sifflets… Au final, Schleck avait perdu plus de 30 secondes dans l’histoire et la précieuse tunique jaune. La question était alors : doit-on attendre un adversaire victime d’un ennui mécanique?


Un Tour « éthique »

Cette question s’inscrit dans un contexte plus général puisque le Tour 2010 à été marqué par son aspect « éthique » comme le dit si bien Bernard Vallet, le consultant du Canal Évasion (station québécoise) et ancien coéquipier de Bernard Hinault. Celui-ci est d’ailleurs bien placé pour parler d’éthique puisqu’il a boycotté en son temps un contrôle anti-dopage, ce qui dans les faits revient à un contrôle positif… On a ainsi découvert que le peloton pouvait s’arrêter un jour pour attendre des leaders qui étaient tombés puis faire complètement l’inverse dès le lendemain, comme si de rien n’était! Le bon Bernard se chargeant de nous expliquer tout ça : c’est à tout un cours d’« éthique » qu’ont eu le droit les « téléspectateurs » du Canal Évasion! Ceux-ci ont d’ailleurs profité plus généralement de sacrés commentaires! J’ai déjà écrit quelques billets à ce sujet et je ne m’étendrai donc pas à nouveau là-dessus. Mais je note simplement qu’il est surprenant de constater que Richard Garneau ne semble pas connaitre pas le mot « dopage ». Je pense qu’il n’a pas prononcé ce mot une seule fois en 3 semaines de course (mais a-t-il seulement réalisé qu’il s’agissait d’une course?). Pour sa part, Bernard Vallet l’a tout simplement banni de son vocabulaire, préférant parler à chaque fois du « magnifique spectacle que nous offrent les coureurs ». 


Un parcours qui favorise le spectacle : enfin!

On pourrait aussi toucher deux mots du parcours. Pour une fois, les organisateurs ont réalisé un parcours intéressant, avec 2 étapes dites de plat qui ont offert du spectacle, celle de Spa et celle des pavés. Certes, il y a eu des chutes, mais c’est le cyclisme. Si certains ont peur de tomber, qu’ils changent de sport! Quand on voit ce succès, on se demande pourquoi le Tour continue de proposer tant d’étapes de plat insipides… On dit que c’est important pour les équipes de sprinters. Mais généralement, seul un sprinter ou deux remportent toutes les étapes. Et c’est justement ce qui est arrivé cette année. Alors, pourquoi les tracés sont-ils si conservateurs? Pourquoi le Tour ne veut-il pas favoriser les étapes de mouvement? Il faudrait rendre plus dures les étapes de plaine (et ce serait facile en arrêtant d’éviter systématiquement les côtes et en prenant des routes plus sinueuses) et moins dures celles de montagne. Les coureurs seraient obligés de se découvrir pour l’emporter au lieu d’attendre les 3 derniers kilomètres d’une étape de montagne… Enfin, déjà il y a moins de contre-la-montre qu’à une époque (notamment celle d’Indurain), c’est déjà ça. Mais on pourrait faire vraiment mieux. On pourrait même tenter de rendre le Tour « multi-cycles ». Aujourd’hui, le vélo de route n’est plus le seul style de vélo pratiqué par les gens. Pourquoi ne pas faire quelques étapes pour VTT? Ne serait-ce pas quelque chose d’extraordinaire? 


Des étapes trop faciles?

Finalement, cette année la plus belle étape (et la plus importante) n'a pas été une étape de montagne mais... celle des pavés. Et si elle n'avait pas été neutralisée, l'étape de Spa aurait pu devenir une étape de légende. Les autres étapes ont été navrantes. Je lis ici et là que les ascensions n'étaient pas assez dures mais je ne suis pas d'accord avec ces affirmations. Schleck et Contador avaient un niveau très proche et ils n'ont pas pu réaliser de grands écarts entre eux, c'est tout. Quand ils ont arrêté de jouer au chat et à la souris et de se marquer, ils ont facilement relégué TOUS leurs autres concurrents à plusieurs minutes. Le Tour je pense avait donc un niveau de difficulté idéal. Mais il n'y a rien à faire quand les coureurs décident de ne pas faire la course. En fait, justement, comme je le disais plus haut, il faudrait plus d'étapes de plat avec des parcours casse-pattes. Voire pourquoi quelques circuits. Je me rappelle d'un circuit réalisé sur la Vuelta en 1995 à Barcelone et remporté par Jalabert. Ce fut tout un spectacle! Mais là encore, avec les dirigeants actuels, il y a peu à espérer. 


Le problème des dirigeants

Je viens d'apprendre que France-Football, dirigé par Amaury, le groupe qui possède la Société du Tour de France, vient de laisser aller le Ballon d'Or à la FIFA (contre de l'argent manifestement...). Du délire! En voyant cela, on comprend que l'on a affaire à des dirigeants d'un niveau lamentable. Si le Tour s'en sort durant la direction de madame Amaury, ce sera quasiment un miracle. Cette dame ne prend que des mauvaises décisions. Elle se sépare de son directeur du Tour, qui était clairement contre le dopage, et opère ensuite un rapprochement avec l'UCI, dont tout le monde sait que son patron, Pat McQuaid, fait tout pour enterrer les affaires de dopage. Qui deviennent de véritables bombes à retardement, comme le cas Armstrong.


Armstrong : le Tour de trop

Justement, en parlant de Lance Armstrong, comment conclure sans revenir sur son dernier tour? Ce dernier quitte la grande boucle par la très très petite porte. Ses résultats cette année n’étaient pas bons et on s’interrogeait sur sa vraie valeur. L’annonce de sa retraite après le Tour était un signe. Mais le voir à ce niveau est tout de même surprenant. Encore troisième l’an passé, certes en profitant de différentes circonstances de course, il ne figure même pas parmi les 20 premiers en 2010. On peut donc légitimement s’interroger sur son retour. Son pari est un échec et comme je le disais dans un billet précédant, a-t-il fait avancer la cause du cancer? Sans doute que non, ou si peu. Par contre son retour a donné des idées a des coureurs au passé sulfureux, comme Basso ou Vinokourov, qu’on aurait préféré oublier, même si nos commentateurs se sont à nouveau enthousiasmé des exploits du Vino. Jusqu’à son prochain contrôle positif? Je me rappelle encore de l’indignation de Gerard Holtz après l’annonce du contrôle positif du « Cobra », Ricardo Ricco, coureur qu’il encensait la veille! Et le bon Gérard continue aujourd’hui comme si de rien n’était! Les journalistes n’apprennent vraiment rien, c’est à peine croyable! Et quel signal incroyable ce retour d’Armstrong a pu donner aux dopés! Rappelons que l’américain a été testé positif à la testostérone sur le Tour 1999 et que c’est grâce à une ordonnance antidatée qu’il s’en est sorti! Qu’il a aussi échoué à sept (7!) contrôles, toujours sur ce même Tour de France une fois que les teste permettant de déceler l’EPO eurent été au point! Et que son discours sur le dopage est pitoyable.


Un bien triste spectacle

Bref, ce Tour de France a donc selon moi offert un bien triste spectacle qui n’augure rien de bon pour la suite. Les instances dirigeantes continuent d’essayer d’étouffer les scandales plutôt que de crever l’abcès. On accepte des coureurs dont on ne se fait aucun doute sur la moralité tout en réduisant à néant les contrôles anti-dopage. On a pourtant vu que cette stratégie d’enterrer les affaires de dopage était un échec depuis 12 ans. Combien d’affaires Festina leur faudra-t-il pour qu’ils comprennent que l’avenir du cyclisme est de devenir un sport propre ou de mourir? Mais ces gens sont tellement corrompus et coincés dans le cour terme qu’il n’y a rien à espérer. Quand on voit le nombre de directeurs sportifs qui ont été contrôlés positifs au cours de leur carrière, on comprend que le combat est perdu d’avance. Si l’UCI était sérieuse, aucun coureur convaincu de dopage ne devrait pouvoir diriger une équipe. Et les sanctions devraient être beaucoup plus lourdes. Au niveau où l’on est rendu, une équipe qui voit un de ses coureurs échouer à un test anti-dopage devrait automatiquement être interdite de compétition pendant 2 ans. Cela fera réfléchir beaucoup de gens car ce ne sera plus seulement avec des conséquences individuelles que devront vivre les coureurs. En trichant, ils mettraient en jeu la vie de plusieurs dizaines de personnes. Mais que ces derniers se rassurent, une telle mesure ne sera évidemment jamais mise en place. Et les tricheurs pourront continuer encore longtemps à faire la fête.

Le dopage a donc de très beaux jours devant lui (et pas seulement dans le cyclisme, loin s’en faut). Par contre, le cyclisme n’a plus aucune crédibilité. Mais finalement, est-ce si important quand on voit l’engouement populaire malgré ce sulfureux contexte ? Le Tour a beau être organisé par des tricheurs patentés, les gens sont toujours plus nombreux au bord des routes et derrière leurs télés. Et le pire, c’est que j’en fais partie…

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