lundi 12 juillet 2010

Mondial 2010 : Dopage 1-0 Sport


Ah l'Espagne! Quelle équipe magnifique, n'est-ce pas? Cette envie de jouer manifeste, cette volonté de jouer vers l'avant, de pratiquer du beau jeu, ce collectif... Depuis l'Euro 2008, les commentateurs ne manquent pas de superlatifs pour qualifier la qualité des prestations de l'équipe d'Espagne. Mais on oublie de dire que cette montée en puissance des joueurs de la péninsule ibérique, ainsi que de tous les athlètes espagnols (cyclistes, pilotes, joueurs de tennis, etc.) date à peine d'une dizaine d'années.

Qu'était l'Espagne il y a 10 ans au plan sportif? Rien ou presque. Indurain avait bien remporté 5 fois le Tour de France et l'équipe de football avait un titre de champion d'Europe. Mais remporté dieu sait quand. Et pour le reste, circulez, il n'y a pas grand chose à voir. En bref, l'Espagne était une nation extrêmement mineure du sport. Tout le contraire d'aujourd'hui, alors que dans la plupart des disciplines, les athlètes espagnols sont tout simplement... les meilleurs, alors qu'il n'a jamais été autant question de dopage! Au cyclisme, ils remportent quasiment toutes les courses, au football, ils sont champion d'europe et du monde, au tennis, ils ont les meilleurs joueurs du monde, Nadal en tête... Même en Formule 1, bien qu'Alonso soit quelque peu en retrait cette années, ils ont désormais les meilleurs pilotes du monde! Alors, qu'est-ce qui a bien pu se produire?

Selon moi, tout remonte à 1998, lorsque éclate l'affaire Festina : juste avant le Tour de France, Willy Voet, un soigneur de cette équipe cycliste, est arrêté à la frontière, sa voiture étant bourrée de produits dopants, notamment de la fameuse EPO. Le scandale est énorme et Festina doit quitter le Tour. La police française étant particulièrement zélée, ce dont l'on ne peut que se féliciter, même moi un passionné de cyclisme, d'autres scandales de dopage éclatent et finalement plusieurs autres équipe quitteront la Grande boucle. Mais pas forcément pour les même raisons. On se souvient de Laurent Jalabert, courreur que j'admirais, qui a quitté le Tour en protestation contre les contrôles de la police! Celle-ci n'y allait pas de main morte, il est vrai, mais comme elle s'en est défendue, elle traitait les coureurs comme n'importe quel suspect, ni plus ni moins. Jalabert n'aurait-il pas du alors au contraire demander que la police mette tous les moyens en oeuvre pour connaître la vérité s'il avait véritablement marché à l'eau clair? Rappelons que Jalabert courrait pour l'équipe Once, une formation... espagnole. Et qu'il a pris la tête des frondeurs, étant à l'origine de la journée de grève du peloton qui visait à protester contre les enquêtes menées sur le dopage. Le monde à l'envers!

Étonnamment, à partir de ce moment, policiers et organisateurs d'épreuves sportives auront à faire un choix :

- soit lutter de toutes leurs forces contre le dopage, en renforçant les contrôles pour les autorités sportives et en réalisant des enquêtes et des perquisitions pour les forces de l'ordre;
- soit fermer les yeux afin de ne pas tuer la poule aux oeufs d'or (pour les organisateurs) et ne pas compromettre les chances des sportifs nationaux (police).

Le premier choix est bien sur le meilleur car après quelques moments délicats, il doit en principe permettre de repartir sur de nouvelles bases en écartant les tricheurs. Inversement, le deuxième choix est catastrophique. A cour terme, il peut paraître bon, car on n'entend plus de mauvaises nouvelles. Mais le mal est là et inévitablement un scandale finira par éclater. Et plus longtemps on n'aura rien fait, plus l'impact risque d'être dévastateur. Sans parler de la santé des sportifs. Depuis l'apparition du dopage sanguin, des jeunes meurent dans leur sommeil, ou en course... Et l'espérance de vie des sportifs, notamment des cyclistes, est réduite. Mais finalement qu'importe. Comme le disait Erwan Menthéour, un ancien coureur français : "si on m'avait dit que boire une litre d'essence me ferait gagner, j'en aurai bu deux". C'est vous dire...

La France choisira longtemps la première option. Effort louable, qui a vu de nombreuses affaires de dopage éclater et qui a certainement contribué à diminuer le dopage, voire parfois à l'éradiquer... mais qui a eu pour conséquence de voir le niveau des sportifs français, surtout les cyclistes, atteindre le néant. Il est d'ailleurs intéressant de suivre les résultats des cyclistes français pour avoir une idée de l'évolution du dopage. Jusqu'en 1990, les français avaient de très bon résultats sur le Tour de France. Plusieurs se classaient sans difficulté dans les 10 premiers du classement général. Puis, en même temps que Greg Lemond s'effondrait (le seul vainqueur du Tour de France qui ne soit pour le moment lié à aucune affaire de dopage depuis sans doute une cinquantaine d'années, ça fait mal!), eux-mêmes ont soudainement vu leur niveau décliner. Ce que l'on ne savait pas, c'est que l'EPO était entré dans le peloton et les français allaient mettre quelques années à apprendre son existence. Sans affirmer qu'il en prenait, bien que de très graves présomptions planent sur lui, c'est alors qu'Indurain a gagné ses 5 Tours de France... Et que la Banesto, son équipe, régnait sur le peloton.

Puis après quelques années catastrophiques, est arrivée une nouvelle génération de français enfin capable de remporter le Tour de France. Les plus connus sont bien sur Richard Virenque (qui courrait chez Festina, équipe franco-espagnole au début...) et Laurent Jalabert (lui aussi dans une équipe espagnole, la Once, comme on l'a dit plus tôt). Les coureurs français ont alors pendant quelques années connu un âge d'or. Soudainement, ils sont redevenus compétitifs et ils faisaient bonne figure à chaque course. En fait, les équipes françaises avaient fini par trouver le "secret" des équipes étrangères : elles marchaient à l'EPO. Lemond l'explique très bien (je vous laisse chercher sur Internet).

Puis arriva l'affaire Festina. Comme on l'a vu, les autorités françaises décidèrent de lutter au maximum contre le dopage. Il eut quelques nouveaux scandales comme l'affaire Cofidis. Mais finalement, grâce à l'instauration du "suivi longitudinal" (un système qui forçait les coureurs français à faire des tests de santé très régulièrement dans le but de détecter chez les dopés des variations de paramètres anormales. Pendant ce temps, l'UCI (Union cycliste internationale), les fédérations étrangères, et bien sur les instances des autres sports, se montraient très hostiles à ce procédé), on a pu commencer à avancer que les coureurs français se dopaient moins.

Pourquoi cette affirmation? Car la France a été l'un des seuls pays à tenter de combattre vraiment le dopage. Quand je parlais des choix qui s'offraient aux instances sportives et aux autorités suite à l'affaire Festina, la France a été la seule à s'engager véritablement contre le dopage. On peut y ajouter l'Italie. On se rappelle des perquisitions des hotels par les Carabiniers sur le Giro. Et de ces seringues jetées par les fenêtres qu'on retrouvait dans les jardins! L'Italie a aussi suspendu Valverde, le meilleur coureur du monde, étonnamment un espagnol. Elle avait fait de même avec Basso, le meilleur coureur italien des années 2000. Si elle n'est pas au niveau de la France, l'Italie a quand même fait de beaux efforts et ceux-ci doivent être salués. Arrêter ses champions demande énormément de courage et est loin d'être anodin.

Mais qu'on fait les autres pays? La plupart, rien ou presque. Je pense notamment aux USA, où les sportifs ont quasiment carte blanche pour se doper. Une enquête est enfin ouverte sur Lance Armstrong, il était temps! Pourtant ce dernier a été convaincu de dopage sur le Tour 1999! Et plusieurs fois! Tout d'abord avec cette fameuse ordonnance anti-datée justifiant après-coup un contrôle positif! Puis ensuite avec 7 contrôles positifs à l'EPO! SEPT! Armstrong ne se doutait pas à l'époque que l'EPO serait détectable quelques années plus tard et que ses échantillons d'urine seraient alors analysés... Ensuite, son comportement vis-à-vis des rares coureurs qui osaient briser l'omerta est particulièrement significatif. On pense notamment à Christophe Basson, mais il y en a eu bien d'autres, notamment Simeoni). Il y a eu bien d'autres scandales, et pourtant les autorités US n'ont rien fait. Il a fallu que Floyd Landis, l'ancien vainqueur du Tour déchu pour dopage, attaque son ancien leader, pour qu'enfin les américains commencent à bouger. Néanmoins, dans le cas des USA, comme de la plupart des pays, les autorités n'ont simplement rien fait et n'ont pas tenté de protéger leurs sportifs.

Je dis la plupart, car un au moins un pays, à la surprise générale, a clairement décidé de suivre la deuxième option que décrivais plus haut, à savoir protéger au maximum ses sportifs. Il s'agit de l'Espagne. Je me rappelle encore de la tenue de la Vuelta (Tour d'Espagne) juste après le Tour 1998 marqué par l'affaire Festina. Les organisateurs espagnols, tout comme les autorités de ce même pays, ont annoncé qu'il n'était pas question que l'on assiste au même spectacle que sur le Tour. Et donc qu'il était inutile d'espérer voir la police débouler dans les hôtels des coureurs à la recherche de quelques produits dopant que ce soit.

Devant le succès d'une telle politique (aucune affaire de dopage n'a éclaté et le public a pu assister à une "belle" course), l'Espagne s'est radicalisée dans ce domaine et n'a pas eu peur de déclarer qu'elle protégeait ses sportifs plutôt que de leur nuire. Bien sur, les sportifs espagnols (et pas seulement eux bien évidemment) auront peut-être des cancers ou des maladies graves dans 20, 30 ans, mais qu'importe! Ce qui compte, ce sont les résultats présents. Et à ce chapitre, les espagnols n'allaient pas être déçus! Alors que les coureurs français ne font désormais plus que de la figuration (on pourrait dire la même chose d'à peu près tous les sportifs français... à l'exception de ceux qui ne résident pas en France! On le voit avec Chavanel sur ce Tour 2010, qui était un éternel espoir en France et qui "explose" dans une équipe étrangère), les athlètes espagnols occupent le devant de la scène. Contador écrase le Tour de France, Nadal le tennis, Alonso la F1, l'équipe de football vient de remporter successivement le championnat d'Europe et la Coupe du Monde. Cela fait trop d'un coup pour que l'on ne se pose pas des questions.

Du coup, certains finissent par s'en poser. De nombreux commentateurs s'étonnent des performances sur-humaines de Contador et d'Armstrong en montagne. Je pense notamment à Antoine Vayer, un médecin français. La taille du bras de Nadal alimente sans fin les conversations dans les cafés. Vous me direz alors : mais que reprocher à Alonso et à l'équipe de football? Selon moi, il faut revenir à un autre évènement capital : l'affaire Puerto, le deuxième élément clé de la "saga" du dopage.

Le 23 mai 2006, la police espagnole arrête des acteurs importants du cyclisme espagnol et un médecin, Eufemiano Fuentes, au cours d'une opération nommée Puerto. Qu'a-t-il soudainement pris à la police espagnole de mener cette opération, personne ne le sait. En tout cas, une trentaine de coureurs cyclistes, la plupart espagnols (on retrouve notamment Valverde et... Contador) sont cités. C'est que l'on retrouve chez le fameux médecin tout un arsenal du dopage, avec de nombreuses poches de sang (pour faire des transfusions sanguines, pratiques interdites). En plus des courreurs cyclistes, on parle de joueurs de football de premier plan, jouant... au Real Madrid et à Barcelone. Et l'on sait que l'équipe d'Espagne est composée à 90% de joueurs provenant de ces 2 clubs! Certains supporters espagnols disent d'ailleurs mi-sérieux mi-blagueurs que c'est Barcelone qui a gagné la Coupe du Monde! On parle aussi de Nadal et d'autres sportifs de haut niveau. Les regards se tournent vers Alonso...

Mais tout s'arrête là! Finalement, les autorités espagnoles freinent des quatre fers et aucun nom de sportif, à l'exception de quelques coureurs, ne finit par sortir. Le pauvre Valverde est finalement le dindom de la farce puisqu'il est le seul champion espagnol à être suspendu. Mais il préfère purger ses 2 ans de suspension plutôt que de tout balancer. Il n'a pas tort quand on voit le sort réservé aux rares repentis qui osent avouer. Tous les autres sont des seconds couteaux ou des étrangers. Il y avait pourtant du beau linge.

Bref, à la lumière de ces éléments, il ressort que le niveau de l'équipe d'Espagne est très certainement dû à des méthodes peu orthodoxes. Les sportifs espagnols sont actuellement les meilleurs du monde. Ils ont forcément un secret. Et il faut être bien dupe pour croire que c'est parce que les espagnols auraient une meilleure diététique ou un meilleur entraînement que les autres. D'ailleurs, quand on voit l'équipe d'Espagne jouer, rien ne laisse présupposer qu'elle puisse être aussi forte. En effet, elle ne dispose d'aucun joueur vedette. Villa est un bon attaquant mais il ne peut être comparé à des joueurs comme Zidane, Messi ou même Roben et Schneider, ses adversaires d'un soir. C'est uniquement grâce à la capacité physique supérieure de ses joueurs que l'Espagne l'emporte. Elle gagne en ronronnant et en épuisant l'adversaire, qui finit par craquer physiquement, à un moment ou à un autre. Aucun génie là-dedans. Je me rappelle de cette remarque bien symptomatique d'un commentateur de Radio-Canada qui notait : "c'est incroyable, le porteur du ballon a toujours 2 solutions". Quand on sait que c'est grâce au physique et au cardio que l'on peut "offrir" des solutions, on a parfaitement compris quel était le secret de cette équipe.

Bien sur, les joueurs espagnols ne sont pas les seuls dopés, loin s'en faut. Mais ce qui est gênant dans tout ça, c'est de voir que l'impunité dont ils jouissent leur permet clairement d'être au-dessus du lot. Le tout sans joueur exceptionnel, comme le disais.

Aucun contrôle anti-dopage positif n'est venu troubler la fête en Afrique du Sud. Idem d'ailleurs dans les autres sports, comme le tennis. Pourtant qui peut croire que tous ces athlètes carburent à l'eau claire? Les dopeurs ont dont gagné leur combat. Pour ne pas gâcher la fête, pour ne pas nuire aux énormes intérêts financiers en place, le dopage est désormais parfaitement accepté par les autorités sportives et tout est fait pour le dissimuler au maximum. Notamment en ne le cherchant pas. Sur le Tour de France par exemple, qui peut croire un instant que les contrôles organisés par l'UCI ont une once de crédibilité? Et au milieu, qu'en disent les journalistes sportifs? Rien, pas un mot, eux-aussi ont choisi leur camp. Qu'ont-ils à gagner que des scandales éclatent? Ils risquent seulement de créer un désintérêt de la part du public et de perdre leur poste.

Les choses ne sont donc pas prêtes de changer. Dans le titre de cet article, j'ai mis Dopage 1-0 Sport, le score de la finale. J'aurai plutôt du mettre 3-0 : le dopage l'emporte par forfait.

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